Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/150

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vérance les tentatives synthétiques qui seules intéressaient la jeunesse, parce que seules elles frappaient son imagination et parlaient à son cœur.

Les disciples de M. Cousin, qui avaient suivi ses conférences à l’École normale après l’évolution du brillant professeur vers l’idéologie allemande, en avaient accepté l’attrayante mais stérile doctrine de l’éclectisme. Formulant un programme dont ils se gardaient bien de tenter l’application, ils annonçaient le projet de réunir dans un vaste ensemble toutes les conceptions de l’esprit humain, promettant de faire jaillir la lumière de ce faisceau de rayons. « Il n’y a, disaient-ils sur la parole du maître, aucun système faux en soi ; il y a seulement beaucoup de systèmes incomplets. Ceux-ci sont vrais en eux-mêmes, mais vicieux par la prétention de conclure, en cherchant en chacun d’eux l’absolue vérité qui ne se rencontre que dans tous. De telle sorte que le seul travail légitime de l’esprit humain consiste à rechercher les membres épars de la science dans les monuments qui les contiennent, afin d’en faire, par une juxtaposition naturelle, le corps complet et vivant de la vérité. »

Mais tandis que les disciples de M. Cousin, ouvrant devant les lecteurs du Globe des perspectives indéfinies, promettaient de dégager successivement toutes les vérités dogmatiques de mythes et de symboles qui ne correspondaient plus aux besoins des intelligences, un écrivain d’une trempe d’esprit tout aussi forte, mais d’un tempérament plus contenu, jetait des douches d’eau froide sur ces jeunes têtes enfiévrées d’espérance.