Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coûtait donc pas plus de l’attaquer que de la défendre, du moment où elle avait cessé de correspondre à ses vues et à ses espérances. De là un désaccord sensible entre ses idées et celles des évêques ; de là la guerre engagée par l’ardent polémiste contre la déclaration de 1682 et contre les chefs de l’Église de France, que la pourpre ne défendit pas toujours contre les traits de la plus sanglante ironie. Or ces attaques portaient loin, si profond que fût le silence dans les rangs du clergé.

Complètement désarmé devant ses chefs par la destruction de toutes les anciennes garanties canoniques, le clergé inférieur ne supportait pas, sans quelque humiliation, le poids de son impuissance. À la suite de M. de Lamennais, ce clergé se fit donc ultramontain parce qu’il espéra trouver à Rome tout ce qui lui manquait en France, c’est-à-dire des garanties contre l’arbitraire. Ce mouvement d’esprit ne fut point doctrinal, du moins dans son origine ; il précéda de plusieurs années la réforme des études théologiques inspirée par les ouvrages de D. Alphonse de Liguori, réforme qui en fut la conséquence. Il sortit simultanément d’une sorte de souffrance morale et du besoin de s’ouvrir des points de vue nouveaux sur la société et sur la science contemporaines. L’ultramontanisme commença par être un moyen ; plus tard le moyen est devenu le but ; il a fini par être le but unique, les nouveaux horizons qui s’étaient ouverts devant le monde religieux n’ayant pas tardé à se voiler par des causes que je n’ai point à indiquer ici.