Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/168

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chrétiennes la stérile conquête d’une pénalité sanglante, dont la justice humaine n’aurait pu tenter sans péril l’application.

En observant la situation morale de l’Europe, il était, d’ailleurs, trop facile de s’assurer que l’Église s’y trouvait surtout menacée dans les contrées où des gouvernements d’ancien régime s’efforçaient de maintenir, par l’action coërcitive de la législation, une unité artificielle dont les conditions primitives avaient été profondément modifiées, unité que ne comporte de nos jours ni le désaccord des intelligences, ni la diversité des intérêts. Tous les esprits sagaces pressentaient, même avant les révolutions accomplies depuis trente ans, que l’Espagne et l’Italie, rongées jusqu’à la moelle par l’action des sociétés secrètes opérant dans l’ombre leur travail de termites, traverseraient bientôt des épreuves dont la honte et le danger pourraient être épargnés à la France, placée sous l’abri de la charte et du droit commun. Personne n’ignorait que la foi catholique, très-affaiblie dans tout le midi de l’Europe, malgré l’appui du pouvoir, faisait des progrès de plus en plus sensibles en Angleterre en dépit des entraves légales que la puissance de l’opinion était à la veille d’y briser ; chacun savait enfin que le catholicisme se trouvait placé aux États-Unis sur un pied plus favorable qu’en aucune contrée de l’ancien continent. De là le travail ardemment poursuivi par la jeunesse religieuse alarmée d’une quiétude qui semblait insulter le présent et défier l’avenir.

Elle était cuisante l’angoisse de ces âmes troublées