Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un le vicomte de Moncade ; et, se croyant compromise par M. Jourdain, elle jouissait de l’égalité comme d’une vengeance. Avant le renouvellement des études historiques inauguré par MM. Guizot et Thierry, on distinguait à peine la monarchie de cour de la monarchie féodale ; et c’était à M. Dulaure, ou à l’insulteur de Jeanne d’Arc, que la jeunesse demandait des leçons de philosophie et de politique. Étrangère à la foi comme au respect, cette génération, entrée dans la vie durant la longue suspension du culte et de l’enseignement public, ignorait tout en religion comme en histoire ; et, par une conséquence de cette sorte d’ignorance invincible, il s’était établi pour elle une solidarité fatale entre l’esprit révolutionnaire et l’esprit antichrétien. Par contre coup, la portion qui en était demeurée chrétienne avait vu, presque toujours, au sanctuaire domestique, confondre les deux causes pour lesquelles on y avait souffert, et le symbole religieux, en quelque sorte, s’élargir pour protéger, par une sanction divine, des intérêts d’un ordre très-différent. Cet antagonisme natif d’idées et de croyances ne se révélait nulle part sous des formes plus accusées que dans le quartier latin.

La liberté politique ne pouvait être fondée en France en dehors des principes du christianisme, qui en est la source même, ce qu’ignorait malheureusement la plus grande partie de la jeunesse ; d’un autre côté, il était fort périlleux pour l’Église, qui entendait chanter en chœur les Bourbons et la foi autour des croix de mission fleurdelisées, de paraître associer son avenir