Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/74

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humaines dans ses péripéties journalières, en y faisant, à côté de la part des agents, celle des faits imprévus qui venaient, aux heures décisives, rappeler à ceux-ci que la Providence est encore plus puissante qu’ils ne sont habiles.

Je lus, en les annotant avec le plus vif intérêt de curiosité, toutes les correspondances se rapportant à la période comprise entre la paix de Bâle avec la Prusse et le traité d’Amiens avec l’Angleterre, et plus spécialement toutes les lettres adressées à M. de Talleyrand par Gaillard et par Sieyès, qui se succédèrent à Berlin comme ministres de la République. La lecture de ces dépêches, où se reflètent les perplexités quotidiennes de leurs auteurs, ne m’intéressait guère moins que celle des romans de Walter Scott, alors dans la fleur de leur succès. Le roman ne se rencontre-t-il pas partout où l’homme est contraint de compter avec les passions d’autrui, en poursuivant un but incertain ?

Ne soupçonnant point qu’il me conviendrait de quitter bientôt la carrière où je venais de faire le premier pas, je m’attachais à pénétrer dans le monde le plus propre à servir mon avenir tel que je le comprenais alors. Le corps diplomatique eut à Paris, sous la Restauration, une importance dont il n’existait guère de trace au temps où cette ville, officiellement déclarée la capitale des plaisirs, était devenue le séjour le plus brillant et le plus envié des deux mondes. Il devait cette importance au caractère personnel de ses membres comme au prestige encore entier de