Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/98

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n’être, même dans les meilleures traductions, qu’un roman d’aventures, tandis qu’elle est, dans l’original, un médailler de maximes frappées par le génie même de la patrie.

Je pus d’ailleurs échapper à l’ennui, durant mon séjour en Portugal, par un événement assez rare en ce pays, une révolution sérieuse, et par les rapports d’affectueuse confiance que je nouai promptement au sein de l’ambassade. L’existence des secrétaires et des attachés de légation qui vivent à l’étranger dans l’hôtel et sous l’œil d’un chef de mission n’est pas sans analogie avec celle des officiers de vaisseau placés loin de la France sous la dépendance directe d’un commandant. Or les marins s’accordent pour attester que cette vie-là est ou très-agréable ou très-odieuse, selon la manière d’être des camarades entre eux, et le caractère du chef dont l’autorité les régit. J’eus l’heureuse fortune de la mener dans les meilleures conditions. J’ai gardé un vif souvenir des chers collègues qui m’ont précédé dans la tombe, le comte Alfred de Vaudreuil, mort, voici plus de trente ans ministre à Munich ; le comte Septime de Latour-Maubourg, mort un peu plus tard ambassadeur à Rome. Comment ne nommerais-je pas surtout notre excellent chef avec cette mémoire du cœur que le temps n’affaiblit pas ?

Après avoir rempli les fonctions de directeur des travaux politiques aux affaires étrangères, sous le ministère de M. de Chateaubriand, M. le duc de Rauzan avait été nommé ministre plénipotentiaire à Lisbonne. Il avait dû s’installer seul dans cette capitale, madame