Page:Carnoy - Littérature orale de la Picardie.djvu/61

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Livrer ton fils au diable ! Tu es donc un démon ?

— Non ; mais j’ai compté sur toi pour tromper le diable et nous tirer de là avec honneur. »

La femme de Tholomé réfléchit quelques instants.

— « Tu dis que le diable doit finir le travail avant le chant du coq ! C’est bien. Ce n’est pas pour rien que le bon Dieu fit la femme d’une patte de serpent[1]. Je saurai conserver et la nouvelle ferme et l’âme de mon fils. »

Les diables avaient ordre de finir le travail avant le lendemain matin, à cinq heures, l’heure du réveil du coq. C’était là que la femme du paysan les attendait.

Vers quatre heures du matin, elle se leva doucement et s’en alla au poulailler. Le travail était presque fini. La paysanne entra dans l’étable aux poules et réveilla le coq qui se mit à pousser quelques cocorico, coquiacou ! éclatants.

Le diable Dick-et-Don était joué. Il s’enfuit avec tous les autres démons, laissant inachevé le mur de l’enclos auquel il ne manquait plus que quelques pierres. Une belle ferme s’élevait à la

  1. Le conteur fait ici allusion à une légende picarde sur la création de la femme, qu’on peut trouver dans le tome III de la Faune populaire de M. Eugène Rolland ; art. Serpents.