Page:Castets - La Chanson des quatre fils Aymon, 1909.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
93
les quatre fils aymon

Et trestos li convens cantent lor orison,
Et dient a Rollant : Sire, que queres vos ?
Nos querons, dist Rollans, le malvais traïtor
Que vos aves ça ens, le roi Yon gascon.
Ancui li lacerai el col le caenon.
Sire, dist li abes, baisies vostre raison.
Li rois est nostre moines, s’a pris le caperon.
Envers trestot le monde garandir le devons.
Qant Rollans ot l’abé ki li dist tel raison,
Par le froc l’a saisi et par le caperon ;
Oliviers le prior ki estoit par selonc ;
Il le bota et hurte si forment au peron,
Que il li fist voler andeus les œls del front.
Or tost, ce dis Rollans, tues moi ces glotons[1].

Partout ailleurs, Roland et Olivier, comme Ogier et tous les pairs, sont des modèles de courtoisie, et, dans les moments de danger, invoquent Dieu pieusement.

Les traces de la cruauté violente d’un autre âge sont éparses çà et là. Après le discours de son père, Renaud commence à tressuer et tire à moitié son épée. Alard doit lui rappeler que l’on doit tout supporter d’un père. De même, Lohier ne se borne pas à injurier Beuves. Charlemagne, lui dit-il :

Ta cité abatra et ceste tor quarrée,
Et s’il te puet tenir, ta mort sera jurée ;
En haut seras pendus a une arbre ramée
Comme lerres fossiers que l’on prent en emblée,
Et ta moiller sera honie et vergondée…
Poi s’en faut ne t’oci a m’espée acerée[2] ;


et il dégaîne ; mais Savary, un de ses compagnons, fait rentrer l’épée dans le fourreau. Ainsi, lors de la querelle d’Achille et d’Agamemnon, Athéné oblige le fils de Pélée à remettre au fourreau son grand et redoutable glaive.

Les querelles violentes qui éclatent entre les messagers et celui auprès de qui ils sont envoyés, ont un modèle ancien dans l’entrevue du roi Gonthramn et des envoyés de son neveu

  1. P. 222, v. 13 sq.
  2. P. 15, v. 5 sq.