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les quatre fils aymon

sévère chroniqueur lui fasse cette concession. Dans notre épopée, c’est un courtois chevalier, et n’étaient les trésors du roi qu’il prend à Orléans, il vit dès lors sur sa réputation de voleur et se comporte en galant homme. Comme le Basin des Enfances de Charles[1], il joint la qualité d’enchanteur à celle de voleur, et c’est surtout comme enchanteur qu’il a un rôle. Les trouvères semblent avoir hésité sur l’importance qu’ils devaient lui reconnaître. La part qui lui a été faite, s’est toujours accrue, et l’on peut dire que son personnage a été, de bonne heure, un des principaux éléments de l’apparente unité de la vaste composition ; mais il demeure toujours au second rang : Renaud a beau s’écrier :

Maugis est mes secors, m’esperance et ma vie,
Mes escus et ma lance et m’espée forbie ![2]


il considère le « bon lerre » seulement comme un fidèle ami, non comme un égal.

Il est des questions que l’on hésite à examiner, tant l’on désespère d’avance de les éclaircir. D’où vient le nom de Renaud ? Il n’est guère probable que le Rainaldus de Alba Spina que Turpin inscrit dans sa liste des guerriers de Charlemagne (c. XI), dérive de notre Renaud, et l’on supposerait volontiers que le trouvère en quête d’un nom sonore et encore sans emploi dans l’épopée, a fait de ce personnage le Renaud de Montauban de son poème. Il semble connaître la Chronique, à en juger par l’importance qu’il donne à cet Engelier dont Turpin a fait un duc d’Aquitaine, en spécifiant qu’il était genere gasconus, garçon de race. Or, dans le poème, quand Renaud confie à Engelier le commandement de la quatrième échelle de ses hommes d’armes, il l’appelle « Angelier de Gascoigne » et fait de lui un grand éloge. Remplacer Albaspina, Aubépine, par Montalban, donnait un nom de fief plus réel que celui d’Aigremont dont Beuves est affublé. De telles libertés

  1. Tout ce que dit M. P. Rajna du personnage de Maugis reste vrai, avec cette seule nuance que j’attribue à Maugis une réalité historique, ses qualités magiques étant d’emprunt, ainsi que très probablement son nom que M. Rajna pense dériver de Madalger, fils d’une reine des nains. Origini dell’Epopea francese, p 534-439. Pour Basin, v. G. Paris, Hist. poét., p. 315, et Pio Rajna, op. l. p. 433-434.
  2. P. 337, v. 26, sq.