Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, I.djvu/24

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le temps même où son esprit était ravi hors d’elle-même et qu’elle demeurait privée de l’usage de ses sens extérieurs ». Non que l’on puisse dire toujours d’une façon si absolue que « les yeux ne voyaient point, les oreilles n’entendaient point, son odorat ne percevait aucune odeur, son goût aucune saveur, son toucher n’avait plus de sensibilité pendant toute la durée de son ravissement ». Catherine nous décrit elle-même les conditions physiologiques de l’extase, mais en se servant de termes moins catégoriques et qui expriment, sous une contradiction apparente, un état qui n’est pas aussi simple que l’impression produite par la description de Raymond de Capoue. « L’œil en voyant ne voit pas, l’oreille en entendant n’entend pas, la main en touchant ne touche pas, les pieds en marchant ne marchent pas : tous les organes sont liés et retenus par le lien de l’amour ». Ces formules seraient inintelligibles si elles ne réservaient une sorte d’opération sourde, mais dont la conscience ne parvient pas au centre de l’âme. Sainte Thérèse a décrit aussi ce rétrécissement de la conscience dans l’instant même où l’âme, concentrant ses puissances spirituelles sur l’objet divin, se retire en quelque sorte de la sensibilité : « Les yeux se ferment sans qu’on veuille les fermer et, si on les tient ouverts, on ne voit presque rien. Veut-on lire, on ne parvient pas à rassembler les lettres, et c’est à peine si on les distingue clairement. On voit bien qu’elles sont là, mais l’esprit ne prêtant plus son concours, on se trouve, quoiqu’on fasse, hors d’état de lire. On entend, mais on ne comprend pas ce qu’on entend. Ainsi les sens ne sont à l’âme d’aucune utilité ; ils entravent plutôt sa jouissance et lui nuisent au lieu de la servir. Parler devient impossible : on n’arrive pas à former intérieurement un seul mot, et quant à l’articuler, le plus violent effort n’en donne pas le moyen. » La description toute expérimentale de la sainte exta-