Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, I.djvu/362

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que l’âme a faite avec moi, comme si le corps avait perdu son poids pour devenir léger. Cependant il n’a rien perdu de sa pesanteur ; mais, comme l’union de l’âme avec moi est plus parfaite que l’union entre le corps et l’âme, la force de l’esprit fixé en moi soulève de terre le poids du corps ; le corps reste comme immobile, tout brisé par l’amour de l’âme à tel point, comme tu l’as entendu dire à quelques-unes de mes créatures, qu’il ne pourrait plus vivre, Si ma Bonté ne le ceignait de sa Force. Qu’en cet état d’union à moi, l’âme ne quitte pas le corps, c’est un plus grand miracle, sache-le bien, que de voir plusieurs corps morts ressusciter.

Aussi, j’interromps pour quelque temps cette union, pour permettre à l’âme de retourner dans le vase de son corps. Je veux dire, que la sensation de son corps, qui avait été suspendue par le sentiment intérieur de l’âme, lui est à nouveau rendue. Car, en réalité, l’âme n’a pas quitté son corps, dont elle ne se sépare vraiment que par la mort. Mais les puissances de l’âme n’avaient plus conscience du corps, absorbées qu’elles étaient en moi par l’amour. En cet état, la mémoire n’est remplie que de moi ; l’intelligence tendue vers moi ne voit rien d’autre que ma Vérité ; la volonté, qui suit l’intelligence, aime ce que l’intelligence contemple et s’unit par l’amour à ce même objet. Toutes ces puissances étant ainsi rassemblées et unies en moi, plongées en moi, consumées en mol, le corps perd toute sensation. L’œil en voyant ne voit pas, l’oreille en entendant n’entend pas, la langue en parlant ne parle