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Page:Caumont Les Jeux d esprit.djvu/28

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Que d’amants vaincus par mes charmes !
Je renouvellerois tous nos vieux Paladins ;
Je ferois seule leurs destins.
Que l’on verroit de merveilleux faits d’armes !
Pour mettre ma conquête à fin,
L’on joûteroit du soir jusqu’au matin.

« Avouez-moi, mon cher Prince[1], que les choses ne valent que comme on les fait valoir, et que je pourrois dire de moi-même, si je le voulois, que j’ai la plus charmante taille du monde, et de cette aimable hauteur que les poëtes donnent à leur Vénus. Il me semble encore que j’ai lu dans Homère qu’elle avoit les sourcils et les yeux noirs : je les ai de même. Des yeux que l’on donne à la mère d’Amour doivent être beaux : les miens passent aussi pour tels ; on dit qu’ils touchent quelquefois, et que jamais regards n’ont été si pleins de charmes. J’ai les pieds petits et bien faits, les jambes, la gorge et les mains fort belles ; mes cheveux sont en fort grande quantité et de la même couleur que celle de mes yeux. J’ai la bouche rouge, les dents belles, l’air jeune,

Et le teint de lys et de roses,
Avec d’autres secrets appas
Qui sont de ces certaines choses
Que l’on sait et qu’on ne dit pas.

« N’est-il pas vrai, mon cher Prince, que je viens de

  1. François-Louis de Bourbon, prince de Conti en 1685, après la mort de son frère ; il fut le héros de sa maison et mourut en 1709.