Page:Chénier - Poésies choisies, ed. Derocquigny, 1907.djvu/153

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Ou la glace inquiète au soleil présentée,
S’allume en un instant, purpurine, argentée,
Ou s’enflamme de rose, ou pétille d’azur.
Un vol la précipite, inégal et peu sûr.
La déesse jamais ne connut d’autre guide.
Les Rêves transparents, troupe vaine et fluide,
D’un vol étincelant caressent ses lambris.
Auprès d’elle à toute heure elle occupe les Ris.
L’un pétrit les baisers des bouches embaumées ;
L’autre, le jeune éclat des lèvres enflammées ;
L’autre, inutile et seul, au bout d’un chalumeau
En globe aérien souffle une goutte d’eau.
La reine, en cette cour qu’anime la folie,
Va, vient, chante, se tait, regarde, écoute, oublie,
Et, dans mille cristaux qui portent son palais,
Rit de voir mille fois étinceler ses traits.


V

LE POÈTE


..................
............ Pour lui
L’ombre du cabinet en délices abonde.
S’il fuit les graves riens, noble ennui du beau monde,
Ou si, chez la beauté qui l’admit en secret,
Las de parler, enfin il demeure muet,
Il regagne à grands pas son asile et l’étude :
Il y trouve la paix, la douce solitude.
Ses livres, et sa plume au bec noir et malin,
Et la sage folie, et le rire à l’œil fin.