Page:Chénier - Poésies choisies, ed. Derocquigny, 1907.djvu/81

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XXVI


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Ma Muse fuit les champs abreuvés de carnage,
Et ses pieds innocents ne se poseront pas
Où la cendre des morts gémirait sous ses pas.
Elle pâlit d’entendre et le cri des batailles,
Et les assauts tonnants qui frappent les murailles,
Et le sang qui jaillit sous les pointes d’airain
Souillerait la blancheur de sa robe de lin.

(Traduit de Gessner.)



XVII


Un berger poète dira :
Mes chants savent tout peindre ; accours, viens les entendre.
Ma voix plaît, Astérie, elle est flexible et tendre.
Philomèle, les bois, les eaux, les pampres verts,
Les muses, le printemps, habitent dans mes vers.
Le baiser dans mes vers étincelle et respire.
La source aux pieds d’argent qui m’arrête et m’inspire
Y roule en murmurant son flot léger et pur.
Souvent avec les cieux il se pare d’azur.
Le souffle insinuant, qui frémit sous l’ombrage.
Voltige dans mes vers comme dans le feuillage.
Mes vers sont parfumés et de myrte et de fleurs.
Soit les fleurs dont l’été ranime les couleurs,
Soit celles que seize ans, été plus doux encore,
Sur une belle joue ont l’art de faire éclore.



XXVIII


Le lys est le plus beau des enfants du zéphire.
Il lève un front superbe et demande l’empire.
Des suaves esprits dans sa coupe formés.
L’air, les eaux, le bocage, au loin sont embaumés.