Page:Chénier - Poésies choisies, ed. Derocquigny, 1907.djvu/93

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Poursuit le papillon brillant d’or et d’azur.
Ou l’agile écureuil, ou dans un nid timide
Sur un oiseau surpris pose une main rapide.
Quelquefois, gravissant la mousse du rocher,
Dans une touffe épaisse elle va se cacher.
Et sans bruit épier, sur la grotte pendante.
Ce que dira le faune à la nymphe imprudente
Qui, dans cet antre sourd et des faunes ami.
Refusait de le suivre, et pourtant l’a suivi.
Souvent même, écoutant de plus hardis caprices,
Elle ose regarder au fond des précipices,
Où sur le roc mugit le torrent effréné
Du droit sommet d’un mont tout à coup déchaîné.
Elle aime aussi chanter à la moisson nouvelle,
Suivre les moissonneurs et lier la javelle.
L’Automne au front vermeil, ceint de pampres nouveaux,
Parmi les vendangeurs l’égare en des coteaux ;
Elle cueille la grappe, ou blanche, ou purpurine ;
Le doux jus des raisins teint sa bouche enfantine ;
Ou, s’ils pressent leurs vins, elle accourt pour les voir,
Et son bras avec eux fait crier le pressoir.

Viens, viens, mon jeune ami ; viens, nos muses t’attendent ;
Nos fêtes, nos banquets, nos courses te demandent ;
Viens voir ensemble et l’antre et l’onde et les forêts.
Chaque soir une table aux suaves apprêts
Assoira près de nous nos belles adorées,
Ou, cherchant dans le bois des nymphes égarées,
Nous entendrons les ris, les chansons, les festins ;
Et les verres emplis sous les bosquets lointains
Viendront animer l’air, et, du sein d’une treille,
De leur voix argentine égayer notre oreille.
Mais si, toujours ingrat à ces charmantes sœurs,
Ton front rejette encore leurs couronnes de fleurs ;
Si de leurs soins pressants la douce impatience
N’obtient que d’un refus la dédaigneuse offense ;
Qu’à ton tour la beauté dont les yeux t’ont soumis
Refuse à tes soupirs ce qu’elle t’a promis ;
Qu’un rival loin de toi de ses charmes dispose ;
Et, quand tu lui viendras présenter une rose,