Page:Chair molle.djvu/139

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Une réminiscence de ses anciens succès la rendait très hardie. D’un coup, elle avait pris les manières des autres chanteuses. Elle faisait son métier savamment, avec des câlineries et des ruses alléchantes. Au jardin, elle quête sous les gloriettes, parmi les danseurs. Un tour de valse, si le patron ne regarde pas, et vite, elle rentre pour vider le plateau dans l’escarcelle du cornac.

Vers neuf heures, le gloussement aigu des clairons, sonnent la retraite, s’entendît. Par instants, s’éteignait, puis reprenait plus fort et bientôt il assourdit la salle, faisant frissonner les vitres. Alors, tous ensemble, soldats et sous-officiers, vidèrent leurs chopes, se levèrent, creusèrent les ventres pour reboucler les ceinturons, et vérifièrent les matricules au fond des schakos. Ils sortirent après un dernier regard aux trois femmes qui trônaient sur la scène.

Leur départ attrista Lucie. Se tournant vers Dosia, elle les plaignit. Et, comme son amie l’écoutait à peine, elle lui reprocha son mauvais cœur.

Le café se vidait. Ménages et petites ouvrières, s’en allaient, la mine endormie, après un calcul compliqué de leurs gros sous.

Mais un bruit de chants, de sifflets, annonça une bande de jeunes gens. Ils entrent avec leurs maîtresses. Ils sont très ivres, ils crient, ils gesticulent, ils s’entassent aux pieds des chanteuses.