Page:Challamel - Souvenirs d’un hugolâtre.djvu/134

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de mourir pour devenir célèbre, pour prendre rang parmi les maîtres.

Émile Deschamps me reçut avec cette grâce et cette affabilité qu’il a conservées jusqu’aux derniers jours de sa vie ; il accepta la dédicace de mes vers, et acheva de m’être agréable en me faisant connaître son frère Antony, traducteur de la Divine Comédie du Dante, et qui, plein de bienveillance, était alors en proie à une hypocondrie persistante.

Avec quelle joie je me trouvais en présence de deux membres du cénacle ! Peut-être, par leur protection, j’aurais accès chez Victor Hugo ! C’était beaucoup, déjà, que de pouvoir contempler deux séides du poète des Orientales.

Peu de jours après, mes vers étaient imprimés dans une toute petite revue de modes, dont le numéro justificatif me parvenait.

Je fus ébloui, en les relisant là, imprimés sur papier glacé, coquettement encadrés de vignettes. Éblouissement pardonnable, car je me trouvais au milieu de piles de calicot lorsque je reçus la revue.

Et le commis de nouveautés se transforma en homme de lettres !

À dater de ce moment, une idée fixe s’empara de mon cerveau : quitter le comptoir, jeter l’aune par-dessus les moulins, passer