Page:Challamel - Souvenirs d’un hugolâtre.djvu/43

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Au lever, mon père me tança vertement. Je ne répondis mot. Que m’importait !… J’avais encore dans les oreilles les phrases terribles de Mlle Georges et de Bocage, de Marguerite et de Buridan, ainsi que l’apostrophe de Lockroy :

« Qui dit que Gauthier d’Aulnay est un bâtard ! »

Mon ivresse de la veille n’avait pas disparu le lendemain.

Huit jours après, loin d’être refroidi à l’endroit du drame où l’assassinat, l’adultère, l’inceste, le parricide, s’accumulent, je poursuivis une idée fixe : avoir sur ma tête un « chapeau à la Buridan », un feutre à retroussis sur le côté et pointu par le haut.

On en voyait beaucoup dans le quartier Latin. Ce chapeau avait toute l’importance d’une manifestation ; quiconque l’adoptait prouvait par là son amour du moyen âge. Or, le moyen âge nous envahissait depuis la publication de Notre-Dame de Paris, surtout depuis l’Écolier de Cluny, de Roger de Beauvoir, et les Mauvais Garçons, d’Alphonse Royer.

Je n’ai jamais obtenu ce « chapeau à la Buridan », tant désiré. Mes parents ont tenu bon contre mon effréné désir. Mais j’ai gardé les longs cheveux, comme bien d’autres adolescents de l’époque, et je me suis acheté un poignard