Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/297

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DE CHAMFORT. 2^3

Une conscience opulente et solvable ; qu'enfin ii peut , comme le riche , placer une bonne action entre le ciel et lui. Législateurs, ne décrétez pas la divinité de l'or, en le donnant pour salaire à ces mouvemens sublimes, à ces grands sacrifices qui semblent mettre l'homme en commerce avec son éternel auteur. Il serait annulé votre décret; il l'est d'avance dans lame du pauvre.... oui , du pauvre , au moment où il vient de s'honorer par un acte généreux.

Il est commun , il est partout, le sentiment qui- atteste cette vérité. Eh! n'avez vous pas vu, dans ces désastres qui provoquent le secours général , n'avez-vous pas vu quelqu'un de ces pauvres .. lorsqu'au risque de ses jours, et par un grand acte de courage, il a sauvé l'un de ses semblables, je veux dire le riche, Topulent , l'heureux ( car il les prend pour ses semblables, dès qu'il faut les secourir ), lorsqu'après le péril , et dans le reste des effusions de sa reconnaissance, le riche sauvé présente de l'or à son bienfaiteur , à cet indigent, à cet homme dénué, regardez celui-ci : comme ii

s'indigne! il recule, il s'étonne, il rougit une

heure auparavant il eût mendié. D'où lui vient ce noble mouvement ? c'est que vous profanez son bienfait , ingrat que vous êtes ! vous corrompez votre reconnaissance : il a fait du bien , il vient de s'enrichir; et vous le traitez en pauvre! Au plaisir céleste d'avoir satisfait le plus beau besoin de son âme , vous substituez la pensée d'un be-

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