Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/47

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de diamans pour hâter sa guérison, le mot qu’il s’attire : Vous êtes orfèvre, Monsieur Josse ! ne peut plus s’oublier, et devient proverbe dans l’Europe. Telle est la fécondité de ces proverbes, telle est l’étendue de leur application, qu’elle leur tient lieu de noblesse aux yeux des esprits les plus élevés, chez lesquels ils ne sont pas moins d’usage que parmi le peuple.

Mais si Molière a renforcé les traits de ses figures, jamais il n’a peint à faux ni la nature, ni la société. Chez lui jamais de ces marquis burlesques, de ces vieilles amoureuses, de ces Aramintes folles à dessein : personnages de convention parmi ses successeurs, et dont le ridicule forcé, ne peignant rien, ne corrige personne. Point de ces supercheries sans vraisemblance, de ces faux contrats qui concluent les mariages dans nos comédies, et qui nous feront regarder par la postérité comme un peuple de dupes et de faussaires. S’il a mis sur la scène des intrigues avec de jeunes personnes, c’est qu’alors on s’adressait à elles plutôt qu’à leurs mères, qui avaient rarement la prétention d’être les sœurs aînées de leurs filles. Jamais il ne montre ses personnages corrigés par la leçon qu’ils ont reçue. Il envoie le Misanthrope dans un désert, le Tartuffe au cachot ; ses jaloux n’imaginent qu’un moyen de ne plus l’être, c’est de renoncer aux femmes ; le superstitieux Orgon, trompé par un hypocrite, ne croira plus aux honnêtes gens : il croit abjurer son caractère, et l’au-