Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t2.djvu/143

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parler du temps où ils ne seront plus rien. On en est communément la dupe, et l’on s’imagine qu’ils croient ce qu’ils disent. Ce n’est de leur part qu’un trait d’esprit. Ils sont comme les malades qui parient souvent de leur mort, et qui n’y croient pas, comme on peut le voir par d’autres mots qui leur échappent.

— On disait à Delon, médecin mesmériste : « Eh bien ! M. de B… est mort, malgré la promesse que vous aviez faite de le guérir. — Vous avez, dit-il, été absent ; vous n’avez pas suivi les progrès de la cure : il est mort guéri. »

— On disait de M…., qui se créait des chimères tristes et qui voyait tout en noir : « Il fait des cachots en Espagne. »

— L’abbé Dangeau, de l’académie française, grand puriste, travaillait à une grammaire et ne parlait d’autre chose. Un jour on se lamentait devant lui sur les malheurs de la dernière campagne (c’étoit pendant les dernières années de Louis xiv.) « Tout cela n’empêche pas, dit-il, que je n’aie dans ma cassette deux mille verbes français bien conjugués. »

— Un gazetier mit dans sa gazette : « Les uns disent le cardinal Mazarin mort, les autres vivant ; moi je ne crois ni l’un ni l’autre. »

— Le vieux d’Arnoncour avait fait un contrat de douze cents livres de rente à une fille, pour tout le temps qu’il en serait aimé. Elle se sépara de lui étourdiment, et se lia avec un jeune