Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t2.djvu/330

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DE CHAMFORT. 3l9

en prudence, il se sépare de sa troupe et marche vers l’École militaire, où le général était logé. Delà il s’avance au camp du Cliamp-de-Mars, où le chef se trouve en ce moment : il pénètre jus- qu’à lui ; il lui dit que la Bastille est conquise ; que M. de Launay vient de périr de la mort des traîtres. Il ajoute : « Et c’est ainsi que nous trai- terons les agens du pouvoir absolu. » On conçoit quelle fut la surprise du commandant suisse. Besenval était un courtisan faible et corrompu, mais il n’était ni cruel ni barbare. Tranquille et de sang froid, il se contente d’observer que cette nouvelle de la prise de la Bastille était invraisem- blable; que Henri iv, qui avait assiégé cette for- teresse, n’avait pu s’en emparer. Le jeune homme, que l’incrédulité du général échauffe sans l’é- tonner, atteste la vérité de ses récits ; et, pour garant, offre sa tète. « Je vous observe, ajoute- t-il, que je suis ici dans un camp : vous seul y commandez ; je ne puis en sortir que de votre consentement. Que je perde la liberté et la vie, si ce que je dis n’est pas vrai. » Le vieux officier, ne pouvant guère alors conserver de doute sur la vérité des faits, se contenta ’de marquer sa sur- prise, tant sur les faits eux-mêmes que sur la hardiesse du projet de venir les lui apprendre, et d’avoir pu réussir à parvenir jusqu’à lui ; et, mêlant au flegme de son caractère et de son â"e une sorte d’intérêt et même d’émotion, il dit à M. Mandar : « Retournez vers vos concito}ens, et