Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t3.djvu/395

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DE Cri.VMFORT. 391

révélation progressive de tant de honteux mys- tères a non rri l'enthousiasme des Français pour une constitution nouvelle, et a fait de la liberté une passion constante, qui, en s'éclairant de tontes les lumières , cherche à se fortifier de tous les appuis. Il restera pourtant, après la lecture de ce re- cueil, un grand sujet de surprise pour ceux qui pensent qu'une entière perversité des mœurs est un osbtacle éternel à la liberté. C'est une maxime répandue et accréditée par les oppresseurs de toute espèce, que les nations vieilles et corrom- pues ne peuvent revenir à la liberté , qu'elle n'est faite que poin- les nations neuves et uierges; et comme la nôtre n'est ni neuve ni vierge^ ils en concluaient que nous étions des insensés de vou- loir être libres. Ainsi , le prix des soins qu'avait pris le despotisme , de corrompre les mœurs , de- vait être la perpétuité du despotisme. Cet ari^u- ment ne laissait pas que d'ébranler d'assez b(^ns esprits; heureusement, il s'en est trouvé de meil- leurs. Ceux-ci ont dit aux nations que les lumiè- res pouvaient leur tenir lieu de virginité ; que si , au courage de conquérir la liberté, elles joi- gnaient les lumières requises pour créer un ordre social qui fit naître et encourageât les vertus et non pas les vices , elles arriveraient , vierges ou non, au but de toute société politique, le bon- heur de tous, ou du moins de l'immense majorité. C'était là une hérésie il y a quelques années ; mais il paraît qu'elle s'accrédite de jour en jour.

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