Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t3.djvu/461

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relations qu’avec lui-même ; il n’entre pas dans les ambitions ; et il évite, j’en conviens, tous les vices de la société : mais il n’est utile à personne. La malheureuse Zilia tirait avec peine quelques crains de blé de son jardin ; je lui ai enseigné une nouvelle manière de cultiver les roses ; et elle en récolte maintenant une si grande abondance, qu’elle s’est enrichie avec l’essence qu’elle vend, et m’en donne, sans se faire tort, pour verser à flots sur les habits d’Hatimthai. Le malheureux Calva, qui publie chaque jour les ordres et rend compte des plaisirs d’Hatimthai, était tombé dans la misère, parce qu’il avait imprimé les œuvres des écrivains médiocres que le public dédaigne ; je consacre quelques heures par jour à lire les manuscrits qu’on lui porte ; et il nourrit à présent sa famille avec le produit des bons ouvrages que je lui conseille de publier. Je ne pourrais pas rendre de tels services, si j’étais forcé de m’occuper de moi-même. Mais Hatimthai, que j’amuse, doit en échange me nourrir grassement ; moi, j’enrichis Calva, parce que j’en tire à mon tour l’avantage de lui faire imprimer mes poésies, et j’ai acquis ainsi une réputation qui satisfait mon amour-propre.

« Ô Hatimthai ! ajoute Ricca, le vrai philosophe est un ministre d’Oromaze dans l’état social. »