Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/306

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


le ciel, qui pour moi seul garde sa cruauté,
s’il vous laisse un tel fils, ne vous a rien ôté.


SOLIMAN.


Qu’entends-je ? à la grandeur joint-on la perfidie ?


ZÉANGIR.


En se montrant à vous, son cœur se justifie.


SOLIMAN.


Je le souhaite au moins. Mais n’apprendrai-je pas
le prix que pour la paix on demande à Thamas ?
Le perfide ennemi, dont le nom seul m’offense,
vous a-t-il contre moi promis son assistance ?


LE PRINCE.


Juste ciel ! Ce soupçon me fait frémir d’horreur.
Si le crime un moment fût entré dans mon cœur
(vous ne penserez pas que la mort m’intimide),
je vous dirais : frappez, punissez un perfide…
mais je suis innocent, mais l’ombre d’un forfait…


SOLIMAN.


Eh bien ! Je veux vous croire, expliquez ce billet.
Le Prince, après un moment de silence.
Je frémis de l’aveu qu’il faut que je vous fasse ;
mon respect s’y résout, sans espérer ma grâce :
j’ai craint, je l’avoûrai, pour des jours précieux ;
j’ai craint, non le courroux d’un sultan généreux,
mais une main… seigneur, votre nom, votre gloire,
soixante ans de vertus chers à notre mémoire,
tout me répond des jours commis à votre foi,
et mes malheurs du moins n’accableront que moi.