Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t5.djvu/201

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DE CHAMFORT. T qS

Le cœur aussi m,'étonne grandement

Mais je reviens et reprends notre aflaire.

L'affaire allait plus que passablement ;

L'amphithéâtre était garni de belles

De toute espèce, et même de cruelles.

On avait fait le signe de la croix ,

Et trois taureaux s'avançaient à la fois.

Si je voulais faire ici le poète ,

Convenez-en, lecteur, j'aurais beau jeu ;

A qui tient-il ? Mais je retiens mon feu ,

Je yous fais grâce ; et ma muse discrète

Des lieux communs dédaigne le secours ; [

Puis , la morale a seule mes amours.

Or, disons donc , sans soin, sans étalage ,

Qu'un des taureaux , j'en ai parlé, je crois,

Deux étant morts , demeuré seul des trois ,-

Blessé lui-même et transporté de rage ,

Glaça d'effroi l'amphithéâtre entier ,

Renversant tout, matador ou guerrier,

iNègre, marquis , grand d'Espagne et bouvier,

Armés ou non; il n"eut plus d'adversaire.

Thésée, Alcide , aux siècles fabuleux.

Eussent cherché ce taureau merveilleux,

Pour en découdre : il était leur affaire.

Sa majesté, ne pensant pas comme eux ,

Se blottissait dans sa loge grillée ,

Mourant de peur, la croyant ébranlée.

Chacun tremblait à l'exemple du roi ;

Mais savez-vous comme , en ce désarroi ,

Dieu secourut cette cour si troublée ?

Un jeune eiifant, obscur, bien inconnu,

Vient à songer qu'à l'instant il a vu

V. i3

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