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Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t5.djvu/382

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876 OEUVRES

que vous avez esquissés en peu de mots , et rien de plus respectable qu'une vie dont on peut se rendre un tel compte; mais j'y vois aussi la con- solation des honnêtes gens et la condamnation des hommes faibles. Vous êtes la preuve vi- vante qu'il n'est pas vrai qu'il faille plier ou bri- ser ; qu'on peut atteindre à la plus haute con- sidération , sans un respect superstitieux pour le monde et ses lois ; qu'on peut arriver à l'indépen- dance philosophique et pratique, sans avoir jamais abaissé ou comprimé la fierté d'un grand sentiment ou d'une pensée heureuse ; qu'on peut prendre sa place , en dépit des hommes et des choses , sans autres ménagemens que ceux dus par l'espèce hu- maine à l'espèce humaine , par la tolérance de la vertu aux préjugés des faibles; et que, si le sentier qu'il faut prendre pour arriver au but est plus es- carpé , il est aussi de beaucoup le plus court. Grâces vous soient rendues ,*mon ami , pour avoir pensé que j'étais digne de vous entendre! Il est certain que la rapidité des progrès de notre amitié , qui n'a jamais été même stationuaire , n'a pas dû vous donner mauvaise idée de mon âme , et qu'elle m'a mis bien avec moi-même. Ce n'est pas sans doute que je me" sois élevé à une philosophie pratique aussi haute. J'ai quitté trop tard mes langes et mon berceau. Les conventions humaines m'ont trop long-temps garotté; et lorsque les liens ont été un peu déserrés ( car pour brisés , ils ne le furent jamais ) , je me suis trouvé encore telle-

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