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UE CH\?.IFORT. 95

Une syllabe , une lettre éclipsée ,

Par le hasard, par le temps effacée ,

Suffit souvent pour nous rendre à la mort.

Ce Grec fougueux, l'inimorlel Alexandre ,

Lequel un soir, au gré d'une câlin.

Ivre d'amour et de gloire et de vin ,

3Iitpar plaisir Persépolis en cendre :

Héros jaloux, de qui la vanité

Avait pleuré sur les laurier; d'un père

Dont il craignait que la postérité

Ne laissât plus à sa témérité ,

De grands exploits, de sottises à l'aiic ;

A ce vengeur de son peuj)!e outragé,

A ce guerrier chacun doit son sufi'rage.

Sur notre encens , sur l'éternel hommage

De l'univers conquis et ravagé.

Il a des droits, puisqu'il l'a saccagé :

Quels sont souvent les transports de sa rage ,

Quand les honneurs q«'on lui doit accoi ih r

Sont, au Mogol , prodigués à Scander?

Faut-il convaincre un esprit indocile

Qu'un caractère , une lettre futile ,

Pour tout gâter, hélas ! suffit trop bien !

Montagne est tout, et Montaigne n'est rien ;

Si quelque jour une âme charitable

Dans les enfers ne daigne l'informer

Que des Français la langue variable

Détruit son nom, voulant le réformer.

L'auteur charmant , et qui , l'auteur! non , l'homme ,

Par notre encens n'est jatuais chatouillé ,

Et dans l'oubli dormant d'un profond somme,

Par un vain bruit n'est jajnais éveillé.

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