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rent qu’il ne suffisait pas à l’acquitter envers le collège, « et, dit M. Arsène Houssaye, un des biographes de Chamfort, on lui signifia que, s’il ne voulait pas, l’année suivante, doubler sa rhétorique afin d’obtenir tous les prix, il fallait renoncer à sa bourse, son seul bien. Il se résigna en pensant à sa mère. À la seconde tentative, il remporta les cinq prix. »

« L’an passé, dit-il, je manquai le prix des vers latins, parce que j’avais imité Virgile. Je l’ai remporté cette année, parce que j’ai imité Buchanan. » Il paraît qu’il y avait dans sa composition une certaine description du canon et de la canonnade qui ravit d’aise ses juges et enleva tous les suffrages, à l’exception du sien.

Ces succès le désignèrent dès lors à l’attention des gens de lettres et des gens du monde. Ils eurent, en outre, pour effet de déterminer son goût pour la littérature.

Le principal des Grassins, désirant faire tourner au profit de la religion les brillantes facultés de son élève, lui promit, s’il voulait se faire abbé, une abbaye ; mais Chamfort refusa. « Je ne serai jamais prêtre, dit-il ; c’est un costume et non un état. »

Ce fut à cette époque qu’il se baptisa du nom de Chamfort. Il fallait vivre et faire vivre sa mère. Pour y parvenir, il entreprit de faire des éducations ; mais ces positions dépendantes étaient incompatibles avec son caractère et sa nature. Il avait, à ses débuts, dit un de ses camarades, Sélis, traducteur de Perse, la figure la plus charmante. Enfant de l’amour, beau comme lui, plein de feu et de gaieté, impétueux et malin, studieux et espiègle, sa bonne mine lui valait des succès qui, pour me servir de l’expression pudique de M. Sainte-Beuve, « dérangeaient le bon ordre domestique. » Après la seconde épreuve, il vit bien qu’il fallait songer à autre chose. Le hasard lui