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de leurs combinaisons, soit entre eux, soit avec des signes phonétiques, et j’arrivai successivement à la connaissance de toutes les formes et notations grammaticales exprimées dans les textes égyptiens, soit hiéroglyphiques, soit hiératiques.

Ainsi fut levé peu à peu le voile qui couvrait la nature intime du système graphique égyptien ; les matériaux immenses que j’ai recueillis pendant mon séjour en Égypte, et en Nubie entre les deux cataractes, m’ont donné le moyen de développer ces résultats. Un devoir m’était encore imposé, celui de les faire connaître dans toute leur étendue au monde savant, de démontrer leur importance par celle des faits nouveaux qui naissent de leur application, et d’ouvrir une carrière toute nouvelle au zèle des esprits investigateurs qui se consacrent à l’avancement des études historiques. Les bontés du roi, en m’appelant à occuper une chaire d’archéologie, me donnent l’occasion d’accomplir ce devoir et de répondre, autant qu’il sera en moi, à ces nouveaux besoins des sciences, qui, presque toutes, doivent s’enrichir de précieux documents par une étude régulière et approfondie des antiquités égyptiennes.

C’est, en effet, en nous initiant de plus en plus dans l’intelligence des textes hiéroglyphiques et hiératiques, lesquels fixent la date et la destination des monuments figurés ; c’est par l’analyse raisonnée de la langue des Pharaons, que l’ethnographie décidera si la vieille population égyptienne fut d’origine asiatique, ou bien si elle descendit, avec le fleuve divinisé, des plateaux de l’Afrique centrale. On décidera en même temps si les Égyptiens n’appartenaient point à une race distincte ; car, il faut le déclarer ici, contre l’opinion commune, les Coptes de l’Égypte moderne, regardés comme les derniers rejetons des anciens Égyptiens, n’ont offert à mes yeux ni la couleur ni aucun des traits caractéristiques, dans les linéaments du visage ou dans les formes du corps, qui pût constater une aussi noble descendance. La connaissance réelle de l’Égypte ancienne importe également aux études bibliques, et la critique sacrée doit en retirer de nombreux éclaircissements. La longue captivité des Hébreux en Égypte, l’éducation tout égyptienne de leur premier législateur, durent nécessairement s’empreindre dans l’organisation politique et religieuse des enfants d’Israël. Les tribus échappées par la ruse à l’oppression d’un peuple bien plus avancé qu’elles-mêmes dans la civilisation, ne purent, en rentrant dans le désert, se dépouiller en même temps des idées d’ordre, des habitudes civiles, ni oublier les pratiques des arts acquises pendant un séjour prolongé sur les rives du Nil, au milieu d’une nation agricole. Le chef hébreu,