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monuments historiques.

et l’examen de ceux de tout genre qu’on y transporte journellement et en si grand nombre, avaient pu suffire pour me donner une connaissance générale de l’art égyptien ; je croyais même avoir acquis déjà la conviction que certaines opinions relatives à cet art si antique, et qui, parmi les savants et les artistes, passent aujourd’hui pour des vérités démontrées, devaient être discutées de nouveau, et modifiées au moins d’une manière notable. Mais c’est seulement dans le Musée Royal de Turin, au milieu de cette masse de débris si variés d’une vieille civilisation, que l’histoire de l’Art égyptien m’a semblé rester encore entièrement à faire. Ici tout montre que l’on s’est trop hâté d’en juger les procédés, d’en déterminer les moyens, et surtout d’en assigner les limites.

La théorie créée par Winckelmann, et professée de nos jours d’après l’unique autorité du maître, n’a été fondée que sur la vue d’une très-petite série de monuments réunis par le hasard, sans choix comme sans distinction, dans les musées de l’Italie, monuments dont on s’est empressé de peser le mérite avant d’en connaître ni le sujet, ni l’époque, ni la destination primitive. Quelle idée juste pouvait-on en effet acquérir de la sculpture égyptienne, lorsque les seuls produits qu’on en possédait alors en Europe sortaient, pour la plupart, des catacombes les plus vulgaires, n’étaient, plus souvent