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êtres divins. Ainsi les deux séries s’ouvrent par les deux principales formes d’Amon-Ra, le père des dieux : sa première émanation, Chnoubis, correspond au dieu Khons, qui est également qualifié de premier-né d’Amon-Ra, dans les textes hiéroglyphiques[1] ; Thermouthis, la compagne d’Amon-Ra, ou la mère des dieux, a pour correspondant la déesse Saté, la Juno-Regina des Égyptiens ; enfin la déesse Hathôr a pour pendant la déesse Anouké. Il n’est point douteux (et de nouveaux faits viendront le démontrer dans la suite de cet ouvrage) que ces deux séries de divinités sont identiques, c’est-à-dire, que le tableau entier se rapporte seulement à quatre divinités, présentées chacune sous deux points de vue divers et sous deux attributions différentes. La déesse Saté ne doit donc être considérée que comme l’une des formes de Thermouthis ou Néith, ce qui justifie pleinement l’assimilation que les Grecs firent de la Saté égyptienne avec leur Héra et leur Junon, épouse et compagne de Zeus ou Jupiter.

On donne, dans la planche 19 (A), une nouvelle image[2] de Saté : sa coiffure est peinte en blanc, ses chairs sont jaunes, et une tunique verte remplace les ailes du vautour (pl. 19). Le nom hiéroglyphique diffère aussi, quant à la forme de ses éléments, du nom gravé sur la planche précédente ; le premier signe est composé d’une flèche croisée sur un javelot ou trait, armé d’un fer en forme de carreau ; or, dans la langue égyptienne, la flèche, les armes à trait de tout genre, portent le nom de ⲥⲁϯ, Sati, ou ⲥⲁⲧⲑ, Saté[3]. On pourrait donc regarder ce nom comme formé d’abord d’un caractère figuratif ; mais la présence des caractères phonétiques et à la suite du premier caractère, prouve que ce signe ne compte ici que pour le seul, d’après le principe de l’écriture phonétique égyptienne, qui représente une lettre quelconque par l’image d’un objet dont le nom, en langue parlée, a cette même lettre

Le nom égyptien de la déesse ⲥⲁⲧⲑ, Saté, ou ⲥⲁⲧ, Sati, dérive de la racine ⲥⲱⲧ ou ⲥⲁⲧ, projicere, spargere, jeter, lancer, répandre ; et nous ajouterons que le mot Sati ou Saté, nom divin, pl. 19 (A), 1 et 2, étant privé des caractères d’espèce, uræus et femme, qui en font un nom propre de déesse, exprime, dans les textes hiéroglyphiques, l’idée rayon (radius), lorsqu’il s’agit du soleil ou de la lumière ; les flèches d’Apollon-Soleil trouvent donc aussi leur origine dans les monuments de la vieille Égypte, comme tant d’autres emblèmes des divinités grecques.

  1. Musée royal du Louvre, salle des Dieux, statuette en bronze, numérotée A, 137.
  2. Extraite d’un monument du Musée royal de Turin, décrit dans l’explication de la planche20 (A).
  3. ⲥⲁⲧⲑ ou ⲥⲁⲧ, Mucro, Cuspis, Telum, Sagitta. Voyez le Dictionnaire de Lacroze, et la Scala magna, page 116.