Page:Champollion - Panthéon égyptien, 1823.djvu/18

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monuments rappellent celle du monde matériel ; et la place du grand-être cosmogonique duquel tout a procédé, était naturellement marquée au centre même de cette composition symbolique.

Il resterait à remonter au sens caché des quatre têtes de bélier qui caractérisent cette forme d’Amon-Ra ; et les monuments nous satisfont pleinement à cet égard.

Dans les textes égyptiens, en écriture sacrée, le bélier est très-fréquemment employé à la place de l’oiseau à tête humaine, et d’un oiseau de la classe des échassiers, tout-à-fait semblable à la grue. Ces trois caractères expriment l’idée générale ame ou esprit ; mais chacun d’eux présente cette idée avec une nuance particulière : le bélier désigne une ame ou un esprit divin du premier ordre ; la grue, une ame divine dans la quiétude, et l’oiseau à tête humaine, une ame humaine, unie au corps ou qui en a été séparée ; ces trois caractères symboliques sont alors accompagnés de l’image d’un encensoir, lequel est, soit la lettre b, initiale du mot bai, qui, suivant Horapollon[1], signifiait ame en langue égyptienne, soit l’emblème de l’adoration et du respect que méritent ces essences divines. Enfin les divinités considérées comme l’ame ou l’esprit directeur de l’univers, ou de l’une de ses subdivisions, sont toujours représentées avec une tête de bélier[2]. Les quatre têtes de cet animal, que porte l’image d’Amon-Ra, nous présentent donc ce dieu comme réunissant en lui-même les quatre ames ou esprits principaux qui régissent le monde.

Cette conclusion, tirée de faits généraux, est clairement confirmée par l’autorité irréfragable des monuments. Le zodiaque circulaire de Dendéra nous montre, en effet, dans la bande inférieure, celle qui représente les trente-six décans, quatre têtes de bélier groupées et surmontées du disque soutenu par deux cornes : c’est l’image du second décan des Poissons ; la petite légende qui la surmonte signifie simplement l’étoile ou la constellation des esprits ou des ames, et ce décan est situé entre le midi et l’orient, la région particulière d’Amon-Chnouphis. La même légende se lit également au-dessus du même décan, représenté, comme l’Amon-Ra, gravé sur notre planche, par un homme à quatre têtes de bélier, sur l’un des tableaux astronomiques[3], copiés dans les temples de l’Égypte : enfin un bas-relief du temple d’Esné va nous apprendre quels sont les quatre esprits représentés par cette image symbolique, lesquels étaient censés réunis dans Ammon-Ra, dont chacun d’eux n’était qu’une émanation.

  1. Livre IIe, hiérogl., 140.
  2. Voir nos planches 2, 3, et leur explication.
  3. Description de l’Égypte, A, vol. I, Edfou.