Page:Chansons, par Jean-Baptiste Clément.djvu/15

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Dupont, et cela, à l’aide de ressources tellement minimes, pour ne pas dire imaginaires, qu’il m’arriva bien des fois, soutenu par la jeunesse probablement et sa compagne inséparable, l’Espérance, de danser devant le buffet en entonnant la Capucine, cette vieille chanson populaire, que les enfants chantent en dansant en rond, sans se douter, les innocents, du côté social de cette rengaine plaintive, qui explique si bien la révolte des Jacques et les insurrections de la faim !

Je n’ai pas à récapituler ici toutes les étapes plus ou moins pénibles ou plus ou moins heureuses que j’ai eu à parcourir pour arriver à gagner quelques sous avec mes chansons ; cependant, je ne puis passer sous silence l’étrange émotion que j’éprouvai le jour où je vendis ma première chanson ; j’ai encore dans les oreilles le son mélodieux des trois pièces de cent sous que l’éditeur me mit dans la main et que je serrai fiévreusement, comme si je venais de commettre un abus de confiance ou un vol avec effraction !

L’éditeur et moi nous étions seuls, bien seuls il est vrai ; mais je vous l’affirme, et vous pouvez me croire, je ne l’avais nullement pris à la gorge. Je lui avais, au contraire, présenté ma pauvre chanson avec une extrême timidité, avec cette émotion inséparable d’un premier début. Il avait pris le temps de la lire, de la relire — quel courage ! — de me soumettre ses observations, fort justes, du reste, et, finalement, de me faire signer une cession en bonne forme et en toute propriété,