Page:Chantavoine - Le Poème symphonique, 1950.djvu/52

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chacun a le droit de préférer à celles de Liszt lui-même. On peut au moins parler d’altération et d’une évolution qui marque des progrès dans le détail, mais non dans l’esprit. Chez les successeurs de Liszt, combien d’ailleurs s’en est-il trouvé pour posséder cette large ouverture d’esprit, cette générosité parfois un peu tapageuse du cœur, cette avidité de tout comprendre, cette chaleur d’âme, cette ardeur à tout aimer ? Qu’un peu de la fumée qu’il trouvait chez Beethoven enveloppe et obscurcisse parfois chez lui-même une si noble flamme (on ne doit pas toujours craindre, en parlant de Liszt, quelques expressions démodées) cela est trop certain. Elle ne l’étouffe et surtout ne l’éteint pas pour autant : mais n’est-elle pas morte avec lui ?

Bref, la musique, dans les poèmes symphoniques de Liszt, était un foyer : chez la plupart de ses successeurs, elle tend à n’être plus qu’un reflet. L’influence de Liszt ne s’est d’ailleurs pas exercée d’une façon immédiate, mais seulement après une assez longue éclipse ; dans l’Allemagne musicale, qui eût été le domaine le plus proche de son action, sous la double hégémonie de Wagner et de Brahms, il n’y avait pas de place pour le poème symphonique. Plus tard, les poèmes de Saint-Saëns, en particulier la Danse macabre, ont connu une vogue dont Liszt lui-même n’avait pas bénéficié ; ils se sont, dans une large mesure, substitués aux siens pour proposer des modèles.

De plus, si le poème symphonique, sous la forme, non certes fixe et définitive, mais organique et achevée que lui donnait Liszt, n’est déjà plus tout à fait contemporain du romantisme qui, en musique, avait dit son dernier mot avec l’ouverture de Manfred et Lohengrin, il en est issu directement, comme un fruit à maturité un peu tardive. Mais un genre associé de si près, par nature, aux conceptions littéraires, artistiques et philosophiques d’une époque ne pouvait manquer d’en suivre l’évolution dans les époques suivantes. En France, par exemple, au romantisme succédera le Parnasse, au Parnasse le sym-