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navis patriæ


Comme les survivants d’un immense naufrage,
Sur lesquels l’ouragan déchaîne encor sa rage,
Ils luttèrent, battus par le flot du destin,
Et, sentant, à la longue, un peu d’espoir renaître,
Parfois ces délaissés croyaient voir reparaître
Les voiles de la France à l’horizon lointain.
 
Hélas ! durant cent ans notre plage conquise
Attendit vainement qu’au souffle de sa brise
La France déployât son étendard altier.
Nous avons bien gémi de son indifférence ;
Mais, malgré les longs jours de deuil et de souffrance,
Notre cœur, toujours fier, lui resta tout entier.

Et quand, un jour, le noble et glorieux navire,
Comme un astre éclipsé qu’on voit tout à coup luire,
Vint mirer sa splendeur au lumineux cristal
Du grand fleuve autrefois témoin de sa défaite,
Pour nos bords étonnés ce fut un jour de fête
D’un éclat souverain et d’un charme idéal.