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le fou

Il dédaigne l’argent dont le bonheur s’achète.
Au lieu d’être un puissant, il veut rester poète,
Et n’échangerait pas l’or qui brille en ses vers
Contre les millions semés dans l’univers.
Aucun appât ne peut influencer sa lyre.
Il fait ce qu’il veut faire et dit ce qu’il veut dire.
L’a-t-on vu bien souvent en quête d’un appui ?
Il ne tente jamais de copier le gui
Qui, léchant le vieux tronc du chêne qui l’abrite,
Se gonfle de sa sève et n’est qu’un parasite.
L’hosanna que paieraient si cher les parvenus,
Il le donne gratis aux vaillants méconnus.
Rien ne lui plaît autant que de briser un masque.
Aucune palme d’or n’étincelle à sa basque.
Que pourrait bien valoir pareille dignité
Au poète aspirant à l’immortalité ?
Il n’est d’aucun cénacle où le vil encens brûle.
Il monte un fier cheval qui jamais ne recule,
Qui galope tout droit, sans peur de s’écloper.
Son mépris du flatteur, qu’il voit partout ramper,
N’a d’égal en son cœur farouche mais sincère
Que la haine qu’il garde au lâche plagiaire,