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les aspirations


Je courais seul le voir en gare manœuvrer.
Je ne pouvais alors cesser de l’admirer
Sous sa veste de cuir cependant bien chétive,
Debout, comme un héros, sur sa locomotive.
J’adorais son métier, et déjà je songeais,
Dans mon petit cerveau roulant de grands projets,
Au temps où j’en pourrais faire l’apprentissage,
Où j’aurais pour patron un patron aussi sage.

Un jour, ― c’était, je pense, un jeudi de congé, ―
Je quittai le logis et je me dirigeai
Vers la gare.

 À l’entour quelques hommes d’équipe
Se reposaient, fumant tranquillement leur pipe,
Pendant qu’au ras du sol semblaient flotter encor
Des lambeaux de vapeur teintés de reflets d’or.

Soudain, comme j’entrais dans la salle d’attente,
De loin un travailleur d’une voix éclatante
Cria :
 ― Ton père fait aujourd’hui le Vingt-trois ?