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le radeau

Et plus d’un maintenant sent frémir tout son être,
En croyant déjà voir s’ouvrir une fenêtre
Où quelqu’un qui l’attend anxieux, incertain,
Se penche pour sonder du regard le lointain.

Et la « cage » sans fin suit l’onde qui l’entraîne ;
Et, debout sur un roc de la plage sereine,
Un farouche Iroquois, des éclairs dans les yeux,
Murmure en regardant passer sur les flots bleus
L’énorme train de bois gouverné par des rames.
Pour lui cette forêt, que balancent les lames,
Peut-être avait des siens abrité le tombeau,
Pour lui les bûcherons groupés sur le radeau
Sont autant d’ennemis, qui, rasant pins et chênes,
Chassant tout le gibier des sauvages domaines
Qu’habitaient ses aïeux libres et triomphants,
Contraignent à jeûner sa femme et ses enfants.
L’Indien maudit les blancs que l’industrie enfièvre,
Et parfois un sourire affreux crispe sa lèvre :
Il croit voir sous les flots du rapide prochain
S’engloutir à jamais tous les hommes du train,