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pro victis


Je fais vibrer mon luth pour les silencieux
Qui peinent sans repos, sans espoir, sans promesse,
Pour les humbles qui n’ont d’autre but que les cieux,
Pour les souffrants à qui l’arbre de la jeunesse
Hélas ! a refusé ses fruits délicieux.

Je fais vibrer mon luth pour tous ceux dont la tête
Blanchit dans des combats toujours infructueux.
J’admire ces vaincus, et, pendant que l’on fête
Les puissants, les cruels et les ambitieux,
Debout sur des débris, je chante leur défaite.
 
Pendant qu’un peuple acclame un fier triomphateur,
Pour ces blessés du sort tombés sur des ruines
Où n’arrive jamais un mot consolateur,
Agenouillé près d’eux, la main sur leurs poitrines,
J’entonne un requiem où frémit tout mon cœur.

Pendant que cent drapeaux, que la lumière inonde,
Font claquer dans le vent leurs larges plis soyeux,
À leur côté, perdu dans une nuit profonde,