Page:Chapotot - L’Estomac et le Corset.djvu/90

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l’observation suivante, que nous relatons ici afin de bien établir l’importance de l’anamnèse pour faire le diagnostic entre les dislocations par le corset et l’entéroptose de M. Glénard.


OBSERVATION VII

Mademoiselle J., dix-sept ans, portait, à l’âge de dix ans, une simple brassière qu’elle se faisait fortement serrer. Elle garda souvent cette ceinture, ainsi serrée, pendant plusieurs jours sans l’enlever, même la nuit. À douze ans, elle portait un vrai corset, qu’elle serrait beaucoup plus qu’on ne le fait à cet âge. Elle était gênée, éprouvait déjà le besoin de se desserrer après les repas ; car elle avait du gonflement épigastrique et un point douloureux au niveau des dernières fausses côtes droites.

Elle n’en continua pas moins de se serrer de plus en plus. C’est de quatorze à quinze ans qu’elle fit un véritable excès de constriction : elle s’obstinait, malgré ses souffrances, à se faire une taille très fine. Au bout de peu de temps, les phénomènes pénibles s’accrurent ; survinrent à l’épigastre de violentes douleurs, que la malade compare à un sentiment de torsion. Elles n’apparaissaient qu’après le premier déjeuner du matin, et ne cessaient plus de tout le jour, augmentant après les repas, surtout deux ou trois heures après, et ne cédant qu’au moment précis où elle enlevait son corset. Elle éprouvait alors un véritable soulagement.

En même temps elle avait de la gêne respiratoire, ne pouvait faire un effort, marcher vite, monter un escalier sans avoir, non pas l’essoufflement des chlorotiques, mais une suffocation, une angoisse qui l’obligeaient à s’arrêter. Le point douloureux au niveau du foie s’exaspérait ; elle éprouvait la douleur que l’on ressent au niveau de la rate après une course forcée. Elle avait aussi quelques points douloureux à gauche, et quelques-uns sous le sein gauche, profondément. Après les repas, outre la sensation de plénitude, elle éprouvait encore des tiraillements, de la pesanteur ; elle était obligée de dégrafer son corset.

Sa santé s’altéra ; elle pâlit, perdit l’appétit, eut des dégoûts, des perversions, quelques signes d’anémie. Elle digérait mal les aliments liquides, mieux les solides, sous un petit volume. Il semble que son estomac, réduit de volume, se refusait à recevoir une grande quantité