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Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/27

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au commencement de leur amitié, alors qu’ils se rencontraient tous les jours, Lucien lui avait adressé une première lettre de ce genre au retour d’une de leurs promenades dans la montagne.

La mort prochaine de son ami émouvait moins l’écrivain que ce qui le concernait dans cette lettre. Toute sa vie était, en effet, remise en question. Des bribes de phrases dansaient une ronde frénétique dans son esprit : « Tu es absent de ton œuvre », « Qu’est devenu ce désir qui te brûlait d’embrasser l’univers de la pensée ? » « Je te souhaite d’écrire une œuvre qui soit une source d’inspiration pour tout un peuple ».

« Suis-je capable de tenir ce pari ? » se demanda Georges. « Qu’est-ce qui m’a empêché de prendre parti sur les grandes questions ? Pourquoi me suis-je replié sur moi-même ? Où ai-je manqué ? »

Lucien avait raison. Il devait reprendre son œuvre là où il l’avait laissé tomber : à la fin de sa jeunesse. Il ressentait le choc en retour de la révélation qu’il venait de comprendre. « J’arrive à la maturité, diminué par le confort, vidé de l’angoisse qui me poussait en avant et je n’ai rien fait. Et pour commencer, je ne vis pas ». Il avait été heureux. Il en pre-