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Page:Charbonneau - Aucune créature, 1961.djvu/62

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dans l’herbe un poisson irisé. Il avait oublié ses vêtements mouillés, l’impression de gâchis qu’il avait traînée jusque là et il contemplait la robe mouchetée de sa première truite.

Comment s’étaient-ils perdus ? Dans l’après-midi, leur gibecière remplie, ils s’étaient détournés du ruisseau et avaient marché dans la direction où ils imaginaient le village. Le cours d’eau, croyaient-ils, en dépit de ses détours et circonvolutions, courait parallèlement à la route. Des feuilles, soudées entre elles par la pluie et les gelées, enduisaient le sol d’une croûte grumeleuse, bosselée, d’où émergeaient les masses sombres des troncs pourris et décomposés. Un peu plus loin, la végétation poussait si drue, si enchevêtrée, si revêche qu’en dépit de leurs efforts, les deux hommes ne progressaient que très lentement. Après quelques recherches, ils découvrirent un torrent à demi-desséché dont ils suivirent le lit, escaladant des amas de roches, de feuilles mortes et de branches entremêlées, jusqu’au sommet de la montagne. Mais là, au lieu d’un lac ou du village qu’ils pouvaient s’attendre d’y trouver, ils ne virent qu’un nouvel amas de roches. Au-dessus, un étroit belvédère, planté d’érables, et presque aussitôt l’autre versant, également boisé et impra-