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LES DÉMONIAQUES DANS L’ART.


DANSEURS DE SAINT-GUY CONDUITS EN PÉLERINAGE À L’ÉGLISE DE SAINT-WILLIBROD, À EPTERNACH, PRÈS DE LUXEMBOURG
D’après un dessin de P. Breughel, à la galerie de l’archiduc Albert, à Vienne [1].

Sur le second plan se voit un ruisseau où des serviteurs empressés vont puiser à l’aide

  1. Cette procession dansante, dont P. Breughel nous a laissé des dessins si pleins de caractère et de vérité, existe encore de nos jours. Elle a lieu comme autrefois à Epternach, le mardi de la Pentecôte, en l’honneur de saint Willibrod. Nous devons à l’extrême obligeance de M. Majerus juge à Luxembourg, qui en a été plusieurs fois témoin, de curieux détails sur ce qui se passe actuellement. Dans cette grande manifestation religieuse annuelle la danse est devenue en quelque sorte une des formes du rite. Les pèlerins qui accourent toujours en très grand nombre (dix mille et plus) ont la plus grande confiance dans la puissance du saint patron. Le jour de la fête, ils se réunissent sur la rive gauche de la Sure, à l’entrée d’Epternach, et là commence la procession dansante qui se dirige vers la basilique de saint-Willibrod, au centre de la ville et ne dure pas moins de deux grandes heures. La danse s’exécute suivant un rythme prescrit et marqué par des groupes de musiciens placés de distance en distance. Elle consiste à exécuter soit trois sauts en avant et un en arrière, soit cinq en avant et deux en arrière. Au dire de tous ceux qui l’ont vue, l’aspect de cette sorte de marée humaine avec son flux et son reflux est des plus curieux et des plus saisissants. Parmi les pèlerins, les uns, épileptiques ou atteints de diverses maladies nerveuses, dansent pour leur propre compte, les autres dansent pour obtenir la guérison de leurs parents, de leurs amis, voire même de leurs bestiaux. Ceux, qui sont trop âgés ou trop malades payent des gamins d’Epternach qui, moyennant un salaire de douze à vingt sous dansent à leur place. Le même gamin saute souvent pour plusieurs pèlerins ou pèlerines.

    Il n’est pas rare de voir de pauvres diables pris tout à coup au milieu de la procession d’une crise épileptique, et qu’on est obligé d’emporter.

    Quelques-uns même de ces malades ne peuvent assister à la cérémonie. Venus la veille de très loin et exténués de fatigue, on les voit couchés au coin des rues, incapables de marcher, quelques-uns en proie aux crises de leur mal. Et l’on est obligé de les reconduire chez eux sans qu’ils aient pu remplir le but de leur pèlerinage.

    Nous ajouterons que ce jour-là la danse se continue dans les bals publics et dans les guinguettes, au milieu d’amusements qui n’ont plus rien de religieux. (Voir à ce sujet : Le grand duché de Luxembourg, par le Dr Glæsener, Diekirch, 1885. La procession dansante ou le pèlerinage au tombeau de Saint-Willibrod à Echternach, par l’abbé J. B. Krier, Luxembourg, 1870. L’abbaye de Saint-Willibrod et la procession des saints dansants à Echternach, par H. Eltz, Luxembourg, 1861.)