Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/280

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« C’est l’Allemagne surtout qui attirera l’attention des communistes. L’Allemagne est à la veille d’une révolution bourgeoise. Cette révolution, elle l’accomplira en présence d’un développement général de la civilisation européenne et d’un développement du prolétariat que ni l’Angleterre au dix-septième siècle ni la France au dix-huitième n’ont connu. La révolution bourgeoise sera donc, et de toute nécessité, le prélude immédiat d’une révolution prolétarienne ».

Ainsi, c’est sur une Révolution bourgeoise victorieuse que se greffera la Révolution prolétarienne. L’esprit de Marx, en sa haute ironie un peu sarcastique, se complaisait à ces jeux de la pensée. Que l’histoire mystifiât la bourgeoisie en lui arrachant des mains sa victoire toute chaude, c’était pour lui une âpre joie. Mais c’était un plan de révolution prolétarienne trop compliqué et contradictoire. D’abord, si le prolétariat n’a pas la force de donner lui-même le signal de la Révolution, s’il est obligé de compter sur les surprises heureuses de la Révolution bourgeoise, comment peut-on être assuré qu’il aura contre la bourgeoisie victorieuse la force qu’il n’avait pas avant le mouvement bourgeois ? Ou bien, dans sa tentative de révolution contre le vieux monde absolutiste et féodal, la bourgeoisie sera vaincue : et sous sa défaite le