Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/297

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Engels, dans la dernière partie de sa vie, conviait le prolétariat européen en des paroles fameuses qui rejetaient, en fait, le Manifeste communiste dans le passé. Désormais, l’action révolutionnaire de la bourgeoisie étant close, tout moyen de violence employé par le prolétariat ne ferait que coaliser contre lui toutes les forces non prolétariennes. Et c’est pourquoi j’ai toujours interprété la grève générale non comme un moyen de violence, mais comme un des plus vastes mécanismes de pression légale que, pour des objets définis et grands, pouvait manier le prolétariat éduqué et organisé.

Mais si l’hypothèse historique dont procède la conception révolutionnaire du Manifeste communiste est en effet épuisée, si le prolétariat ne peut plus compter sur les mouvements révolutionnaires de la bourgeoisie pour déployer sa propre force de révolution, s’il ne peut plus faire surgir sa dictature de classe d’une période de démocratie chaotique et violente, peut-il du moins attendre son avènement soudain d’un brusque effondrement économique de la bourgeoisie, d’un cataclysme du système capitaliste acculé enfin à l’impossibilité de vivre et déposant son bilan ? C’était encore là une perspective de Révolution prolétarienne ouverte par Marx. Il comptait à la fois, pour susciter la dictature de classe du prolétariat, sur l’avènement politique révo-