Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/304

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subit la vie ouvrière par la loi de la production bourgeoise. Dans le conflit des tendances qui se disputent le prolétariat, la tendance déprimante a la primauté dans le présent ; c’est elle surtout qui agit sur la condition réelle de la classe ouvrière.

Et puisqu’on parle de tendances, c’est dans ce sens qu’inclinait visiblement toute la pensée de Marx et de Engels. Je dirai presque que Marx avait besoin d’un prolétariat infiniment appauvri et dénué, dans sa conception dialectique de l’histoire moderne. Le prolétariat, pour être dans la dialectique hégélienne de Marx le moment humain, pour être vraiment l’idée même de l’humanité, devait à ce point être dépouillé de tout droit social, que l’humanité seule, infinie en détresse et en droit, subsistât en lui. Et comment pourrait-on se flatter de comprendre Marx sans descendre aux origines dialectiques, aux sources profondes de sa pensée ? Sa Critique de la philosophie hégélienne du droit, parue en 1844 dans les Annales germano-françaises, est à cet égard un document décisif. « Où est donc, dit-il, la possibilité positive de l’émancipation allemande ? Réponse : dans la formation d’une classe avec des chaînes radicales, d’une classe de la société bourgeoise, qui ne soit pas une classe de la société bourgeoise, d’un état, qui soit la dissolution de tout état, d’une sphère qui ait un caractère universel