Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/356

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nombreux salariés, et du travail individuel qu’ils accomplissent sur leur minuscule propriété.

J’ai à peine besoin de dire que ce travail qu’ils accomplissent pour eux-mêmes est, même après la fatigue du travail salarié, une douceur et une joie. Mais je suis convaincu que cette dualité d’âme se continuera en eux-mêmes après de grandes transformations sociales. Je suppose que les grands domaines du vignoble soient devenus la propriété de la commune. Je suppose que les travailleurs, qui, hier, étaient les salariés du propriétaire noble ou bourgeois, soient formés en association et reçoivent de la commune les grands domaines à exploiter. Évidemment ils jouiront d’une condition beaucoup plus heureuse qu’aujourd’hui. Quelle que soit la part de produits retenue pour de grandes œuvres d’intérêt social et de solidarité par la commune et la nation, la rémunération des travailleurs associés, qui n’auront plus à subir le prélèvement du propriétaire, sera plus large que maintenant. Et ils auront des garanties qui aujourd’hui leur manquent. Sans être des propriétaires au sens étroit et jaloux du mot, ils ne seront pas des salariés. Ils choisiront leurs chefs de travail ; ils interviendront dans la conduite de l’exploitation ; ils auront un droit défini par des contrats précis ; ils seront protégés par ces formes élevées de contrat qui, dans la société