Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/414

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Et Liebknecht conclut tout cet ordre de pensées par ces fortes paroles :


Il ne faut pas demander : Es-tu salarié ? mais : es-tu socialiste ?

Réduit aux salariés, le socialisme est incapable de vaincre. Compris par l’ensemble du peuple qui travaille et par l’élite morale et intellectuelle de la nation, sa victoire est certaine.

Pourquoi devons-nous maintenant subir la persécution infligée à nos amis ? Pourquoi sommes-nous soumis aux plus indécentes brutalités ?

Parce que nous sommes encore faibles.

Et pourquoi sommes-nous faibles ?

Parce que seule une petite partie du peuple connaît la doctrine socialiste.

Et nous devrions, nous qui sommes faibles, accroître encore notre faiblesse en écartant de nous des milliers d’hommes, sous prétexte que le hasard n’a pas fait d’eux les membres d’un groupe social déterminé ? La sottise serait ici trahison envers le Parti.

Ne pas resserrer — étendre, voilà quelle doit être notre devise. De plus en plus le cercle du socialisme doit s’élargir, jusqu’à ce que nous ayons converti la majorité de nos adversaires à être nos amis, ou que tout au moins nous les ayons désarmés.

Et la masse indifférente, qui dans les temps paisibles n’est d’aucun poids dans la balance politique, mais qui dans les temps d’agitation est la force décisive, doit être si largement éclairée sur les buts et l’essence même de notre parti, qu’elle cesse de le craindre et qu’elle ne puisse plus être lancée contre nous comme la meute de la sorcière.

Toutes les mesures législatives, que, si l’occasion nous en est offerte, nous aurons à appuyer, doivent avoir pour but de prouver L"APTITUDE DU SOCIALISME À SERVIR LES INTÉRÊTS COMMUNS, et de détruire les préjugés courants contre nous.