Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/444

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par l’effet irrésistible d’un mécanisme, au delà du point qu’on lui aura indiqué tout d’abord. C’est par l’attrait de quelques réformes concrètes, précises, immédiates, qu’on la détermine à la grande opération de la grève générale, et on imagine qu’une fois prise dans l’engrenage elle sera conduite, presque automatiquement, à la Révolution communiste.

Or, je dis que dans une démocratie, cela est contraire à l’idée même de la Révolution. Je dis qu’il n’y a et ne peut y avoir Révolution que là où il y a conscience, et que ceux qui construisent un mécanisme pour véhiculer le prolétariat à la Révolution presque à son insu, ceux qui prétendent l’y conduire comme par surprise, vont à rebours du vrai mouvement révolutionnaire.

Si la classe ouvrière n’est pas nettement avertie, dès l’origine, que c’est pour l’entière Révolution communiste qu’elle se met en grève ; si elle ne sait pas, en quittant les mines, les gares, les usines, les chantiers, qu’elle n’y doit rentrer qu’après avoir accompli toute la révolution sociale ; si elle n’y est pas dès la première heure, et jusqu’au fond de sa conscience, préparée et résolue, elle sera déconcertée dans la suite du mouvement par la révélation tardive d’un plan qu’on ne lui aura pas soumis avant l’action. Et aucun artifice, aucune prestidigitation